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Véronique Witko-Sarsat : les neutrophiles enfin reconnus !

Véronique Witko-Sarsat : les neutrophiles enfin reconnus !

À la suite de la remise du prix Woman in Science de l’International Association of Inflammation Societies, Véronique Witko-Sarsat, responsable de l’équipe Neutrophiles et vascularités à l’institut Cochin à Paris, ne boude pas son plaisir. « Sans être militante, je suis convaincue que les femmes ont besoin de visibilité et que la parité est compatible avec l’excellence scientifique, souligne-t-elle. Enfin, bien sûr, ce prix marque aussi la reconnaissance du rôle crucial des neutrophiles dans l’inflammation ! » Une double reconnaissance qui salue le parcours de cet esprit libre, passionné de science, dont la réputation internationale n’est plus à faire.

 

« Neutrophilophiles »

C’est en 1990 que, suite à son diplôme d’ingénieur du Conservatoire des arts et métiers (Cnam) en biologie, elle se lance dans un doctorat au sein de l’unité Inserm Immunologie et néphrologie de l’hôpital Necker, à Paris, dirigée par Jean-François Bach. Elle y trouve ce qui constituera les fondations de sa vie de chercheuse : des liens forts entre chercheurs et médecins et surtout, un « coup de foudre » intellectuel avec Béatrice Descamps-Latscha, une néphrologue et chercheuse émérite, qui devient son mentor. « C’est elle qui m’a fait découvrir le neutrophile, m’a offert une grande liberté synonyme de créativité, et m’a tout de suite encouragée à présenter mes travaux dans le monde entier », souligne-t-elle. À l’époque, « pour la majorité des scientifiques, le neutrophile était simplement une cellule qui, lors d’une infection, détruisait les bactéries en produisant des oxydants qui dégradaient les tissus, puis mourrait très vite. Il n’était même pas digne de faire partie des cellules immunitaires ! Seuls quelques illuminés s’intéressaient à cette cellule marginale que notre organisme produit tout de même en masse : jusqu’à 100 milliards par jour », ironise la chercheuse.

L’étudiante débute donc ses travaux à Paris. Mais en 1992, elle saisit l’opportunité de rejoindre le laboratoire de Carl Nathan à Cornell University, à New York. « C’était le laboratoire d’excellence sur les neutrophiles dont je lisais les publications, se rappelle-telle. Et c’est là où la graine plantée par Béatrice Descamps-Latscha a vraiment germé, puisque j’ai pu intégrer la communauté internationale du neutrophile qui m’a accompagnée tout au long de ma carrière. » De retour au laboratoire Inserm en 1994, elle fait tomber un premier dogme : les neutrophiles ne sont pas que des antibactériens. Ce sont aussi des modulateurs de l’immunité ! Et dans la mucoviscidose, les neutrophiles présentent des anomalies qui en font des pourvoyeurs d’oxydants, qui entretiennent l’inflammation délétère chez les malades. De l’obtention de sa thèse en 1995 à celle d’un poste Inserm en 1999, la chercheuse assoit son sujet de recherche, initié aux États-Unis, à savoir décrypter le rôle mystérieux de la protéinase 3 (PR3), une cible des autoanticorps anti-neutrophiles impliqués dans les vascularites notamment la maladie de Wegener. Dans celle-ci, avec le service de médecine interne de l’hôpital Cochin dirigé par Luc Mouthon, son équipe montre que la PR3 située non pas à l’intérieur des neutrophiles, mais à surface de leur membrane, induit en erreur les macrophages qui activent à tort le système immunitaire. Une longue série de découvertes dont on entrevoit, déjà, des retombées thérapeutiques…

Vers de nouveaux anti-inflammatoires ?

Les hasards de la science, et sans doute l’ouverture d’esprit de la chercheuse, conduisent l’équipe à s’intéresser au PCNA (pour proliferating cell nuclear antigen), maestro de la réplication de l’ADN, que l’on a longtemps cru cantonné au noyau cellulaire. « Or, nous en observions dans le cytoplasme des neutrophiles ! explique Véronique WitkoSarsat. J’ai d’abord cru que c’était une erreur de nos expériences, mais comme cela m’intriguait, j’ai essayé de comprendre. » Bilan, en 2010, elle remet en cause un autre dogme : le PCNA n’est pas uniquement dans le noyau cellulaire. Présent dans le cytoplasme, il contrôle la mort programmée du neutrophile, et dans les cellules leucémiques, il favorise leur résistance au traitement. L’équipe met ainsi le doigt sur un mécanisme qui pourrait permettre de développer des anti-inflammatoires plus ciblés que les corticostéroïdes, car s’attaquant directement au neutrophile, le chef d’orchestre de l’inflammation.

Fidèle à la philosophie de Béatrice Descamps-Latscha, la chercheuse s’applique à partager ses résultats à travers le monde, avec les « neutrophilophiles » de la première heure, ou récemment convertis… Aujourd’hui, « les neutrophiles ont gagné leurs lettres de noblesse : il y a même le Club neutrophile à la Société française d’immunologie, et notre équipe a été labellisée par la Fondation pour la recherche médicale (FRM) en 2020. De nouveaux horizons s’ouvrent donc à nous ! », s’enthousiasme-t-elle. Ses prochains défis : reprogrammer les neutrophiles pour maîtriser l’inflammation dans les vascularites, mais aussi dans les cancers, la mucoviscidose et même la Covid-19… quitte à continuer à faire bouger les lignes. La passion ne se négocie pas ! « Même dans ma vie personnelle, mon travail et les neutrophiles n’ont jamais été négociables », reconnaît la chercheuse qui se nourrit aussi de la créativité de l’art moderne, et de salsa, « une danse où l’on ne peut s’empêcher de sourire et de partager » souligne-t-elle ; deux autres passions… non négociables également !

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